Une odeur aseptisée vient chatouiller mes narines et me fait frissonner. Je tente de rassembler mes pensées mais un violent mal de tête m’en empêche.

     J’ouvre les yeux, me rends compte que la pièce est plongée dans le noir mais la lumière qui filtre sous la porte et les petits points rouges et verts des machines percent légèrement la pénombre. Ma vision est floue et je dois cligner plusieurs fois des paupières avant de la stabiliser.

     Je tourne la tête pour voir ce qui m’entoure. Je suis dans un lit qui n’est pas le mien, une couverture râpeuse et défraîchie est posée au-dessus de mes draps. Le contact n’est pas du tout agréable et je décide de me redresser pour mieux comprendre où je me trouve. Car oui, c’est bien la question que je me pose. Où suis-je et comment ai-je fait pour me retrouver ici ?

     Je tends le bras pour trouver un interrupteur mais celui-ci est freiné par les fils et les tubes qui y sont accrochés. Une douleur m’arrache un cri de surprise.

     De l’autre main, je touche mon bras, tâtonne sur ma poitrine et mon cou. Je comprends très vite que je suis sous perfusion et que des électrodes ont étés placées un peu partout sur mon corps. À l’hôpital, oui, je dois être à l’hôpital… me dis-je.

     Après quelques instants, je finis par trouver le bouton, et la lumière artificielle inonde toute la pièce, m’obligeant à plisser les yeux. Je ne me suis pas trompée. La chambre est aseptisée, comme l’odeur qui m’a réveillée. Des murs blancs, une chaise et une table de nuit en plastique, une toute petite télévision accrochée au mur et une fenêtre dont le store a été fermé.

     Je m’assois, mes yeux me brûlent et j’aperçois tout un matériel médical de l’autre côté de mon lit. Tout mon corps est relié aux machines et mes deux mains portent des cathéters. Celui qui est planté dans ma main droite me fait un mal de chien et je l’arrache d’un coup sec. Un peu de sang sort par le trou que l’aiguille a laissé et je m’empresse de recouvrir avec un bout de mon drap.

     Je cherche mes effets personnels du regard mais ne les vois pas. Ne panique pas… Je sens mon cœur accélérer sa cadence et résonner dans mes oreilles. Mes jambes me font mal, mon dos me supplie désespérément de me recoucher et ma tête est coincée dans un étau comme un lendemain de cuite. En plus les produits qui me sont injectés me filent des sueurs froides ! Je grogne intérieurement et donne une impulsion avec mes hanches pour me mettre debout.

    C’est là que je constate les dégâts. Mes jambes nues sont violacées, certains endroits portent des gazes colorées de Biseptine et de sang alors que d’autres me montrent des plaies à l’air libre qui ressemblent à des petites brûlures.      Je remonte la blouse au-dessus de mon nombril et observe en silence mes membres qui sont recouverts d’égratignures. Certaines ont l’air profondes, d’autres moins.

Mon organe vital cogne de plus en plus fort. Des milliers de petits frissons me parcourent et une nausée m’oblige à me précipiter dans la salle de bain, sauf que… étant reliée aux appareils, je ne réussis qu’à me fracasser contre le sol glacé de la chambre dans un vacarme qui réveillerait un mort.

- Merde !

     Je tente de me relever mais glisse dans un liquide poisseux et retombe immédiatement. Les pulsions dans ma cage thoracique explosent et je comprends maintenant que toutes les parties de mon corps sont prises de tremblements insoutenables. La tête me tourne, mes mains commencent à se tendre.

     La porte s’ouvre sur une jeune infirmière dont je n’aperçois que la forme floue.

- Vite ! Venez m’aider ! crie-t-elle dans le couloir avant de se jeter vers moi.

Elle passe délicatement ses doigts entre les miens.

- Mademoiselle Beaumont vous m’entendez ?

     Je l’entends mais aucun son n’arrive à franchir mes lèvres, je sens que mes mains se tendent encore et lui écrasent la sienne. Je ne le fais vraiment pas exprès et je vois à son visage que je lui fais mal. Qu’est-ce qu’il m’arrive ? Perdre le contrôle de cette façon me fait encore plus paniquer. Je ne peux plus du tout bouger et serre de plus en plus dangereusement la main de cette pauvre fille.

     Des pas précipités arrivent à notre hauteur : ils sont deux, peut-être trois. Je n’entends pas très bien ce qu’ils se disent.

- Que s’est-il passé ? demande une voix masculine.

- Spasmophilie… chuchote la jeune femme. Se réveiller seule ici a dû lui faire peur et déclencher la crise.

Un bruit métallique se fait entendre et la douleur revient percuter mon crâne.

- Respirez Jade, respirez, m’ordonne-t-elle.